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COVID-19 et microfinance : la digitalisation au service de la résilience

Agent de mobile money au Nigeria.

Face au spectre grandissant d’une crise de la solvabilité pour les petites et moyennes institutions de la microfinance, le CGAP a appelé à une coordination des décideurs publics, des bailleurs de fonds privés, des institutions financières de développement et des donateurs pour tenter d'enrayer la menace. Le CGAP a ainsi souligné notamment la nécessité d'une démarche de digitalisation centrée sur les clients de la microfinance. En effet, la digitalisation améliore les chances de survie des prestataires de la microfinance, et plus généralement de l’ensemble du secteur, mais pas seulement : si elle est bien menée, c’est-à-dire en s'attachant à créer de la valeur pour les clients, elle peut également renforcer la résilience des personnes qui font appel aux institutions de microfinance.

Une démarche de numérisation axée sur la valeur maximise les bénéfices pour le client et le prestataire

Une démarche de numérisation axée sur la valeur peut optimiser les résultats des prestataires de microfinance en augmentant leur efficacité et leur envergure. Pour les clients, elle crée de la valeur en rendant les services financiers plus abordables, plus accessibles et plus adaptés à leurs besoins. Cette démarche contribue aussi à faciliter l'accès et l'utilisation de produits et services reposant sur la technologie.

Le CGAP a récemment publié un document de travail détaillant plusieurs études de cas qui illustrent cette démarche fondée sur la création de valeur. Ainsi en Colombie, Bancamía a adopté une approche de la numérisation axée sur la valeur et le principe de « banque relationnelle », c'est-à-dire que les services bancaires doivent être fondés sur la confiance et accessibles au plus grand nombre. Auparavant, Bancamía opérait par l'intermédiaire d'un réseau d'agences, des structures coûteuses qui employaient chacune une vingtaine de personnes. En créant une application qui permet au personnel d'ouvrir des comptes, de traiter les demandes de prêt, d'accepter les paiements et d'accéder aux informations relatives aux clients sur une tablette, la société a augmenté la productivité de ses agents commerciaux de 27 % et réduit de moitié le temps de traitement des prêts. Bancamía a ainsi pu s'implanter dans les zones rurales, avec des structures plus légères qui peuvent être gérées par quatre ou cinq personnes seulement.

Mais la création de valeur ne se limite pas à l'entreprise. Dans une période où bien des gens sont confrontés aux difficultés causées par la COVID-19, les clients ont pu bénéficier d'un accès plus facile et plus rapide aux services financiers, ainsi que d'un accompagnement personnalisé dans un plus grand nombre d'agences et grâce à une nouvelle application client. En 2020, le nombre de femmes utilisant les canaux numériques de Bancamía a augmenté de 176 %, et les transactions effectuées par des femmes ont augmenté de 227 %.

Amret Microfinance est une autre institution étudiée dans le document de travail. Au Cambodge, elle a développé un portefeuille d'épargne de 22 millions de dollars grâce à son programme d'épargne mobile qui permet à ses agents de collecter et de consolider de petits montants d'épargne lors de leurs visites à des clients. FINCA Impact Finance a de son côté réduit ses coûts et facilité l'accès des clients en automatisant et en rationalisant le processus d'approbation pour 30 à 50 % des renouvellements de crédits. En Jordanie, Microfund for Women a réduit de 17 % son personnel administratif et ses guichetiers en 2020 grâce à l'utilisation accrue de son agence express et à ses initiatives en matière de canaux de distribution.

Les prestataires de microfinance doivent rapidement accroître leur valeur

Alors qu'ils cherchent à faire face aux conséquences de la pandémie, les prestataires de microfinance devraient donner la priorité aux actions qui créent davantage de valeur le plus rapidement possible. Cela implique de déterminer les mesures les plus faciles à mettre en œuvre et de trouver les moyens d'apporter des améliorations successives à ce qu'ils font déjà. La numérisation pourrait être l'une de ces solutions, sachant que les modes de fonctionnement traditionnels en agence limitent leur développement.

Afin que la numérisation apporte de la valeur rapidement et efficacement, les prestataires doivent aussi abandonner leur méthode séquentielle traditionnelle de mise en œuvre des projets, qui se traduit souvent par une incapacité à s'adapter et à apporter des changements en cours de route. Il leur faut au contraire adopter une méthodologie souple et itérative, au cours de laquelle ils sollicitent et intègrent continuellement l'avis de leur clientèle. Ainsi, amorcer leur numérisation par la conception d’un produit minimum viable (MVP) permet aux prestataires de se concentrer sur la rapidité et l'utilité, tout en maîtrisant les coûts de développement. Cette approche permet également d'intégrer plus facilement les avis des clients sur les caractéristiques initiales du produit.

Les bailleurs de fonds peuvent contribuer à accélérer cette évolution en concentrant leur soutien à la solvabilité sur les prestataires de microfinance qui sont en mesure d'appliquer une approche MVP pour leur numérisation.

Les prestataires de microfinance doivent quantifier la création de valeur

L'appel à la coordination du CGAP souligne les choix difficiles que les investisseurs pourraient avoir à faire en ce qui concerne les prestataires de microfinance qu'ils soutiendront à l'avenir, mais ces derniers peuvent faciliter ces décisions en mesurant la valeur que la numérisation crée pour leurs entreprises et leurs clients. En effet, une meilleure connaissance de la valeur des solutions numériques n'augmentera pas seulement la confiance des investisseurs : elle aidera aussi les prestataires à mieux orienter leurs choix pour leur développement futur. Le CGAP s'efforce par conséquent d'aider les prestataires à déterminer les critères d'évaluation et les outils de mesure appropriés pour quantifier l'impact de leurs solutions numériques sur le comportement des clients.

Pour cela, le CGAP s'attache à démontrer ce qu'est une numérisation réussie, en diffusant des études de cas positifs et en incitant les prestataires à éviter les écueils qui ont nui à leurs prédécesseursLe CGAP cherche aussi à travailler directement avec les prestataires de microfinance pour les aider à quantifier la valeur et garantir la transparence nécessaire pour renforcer la confiance des bailleurs de fonds, à cerner les solutions à portée de main (comme le renouvellement automatisé du crédit) et à poursuivre la création itérative de valeur au moyen d'approches MVP plutôt que de s'engager dans des processus trop complexes.


Cette publication s’inscrit dans le cadre d’une série de billets du CGAP intitulée « Solvabilité de la microfinance et COVID-19 », qui traite des questions clés liées à la solvabilité des prestataires de microfinance dans le contexte de la pandémie et qui étudie les perspectives pour le secteur.

 

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