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Innovations digitales : trois points clés pour améliorer la résilience des IMF africaines et de leurs clients

Leçons à retenir de la Semaine Africaine de la Microfinance 2021 pour vaincre les défis et les risques associés à la digitalisation de la microfinance

Agent de finance digital, Lagos, Nigeria.

S’il est une évidence qui s’est imposée lors de la pandémie de COVID-19 pour les acteurs de la finance inclusive, c’est la nécessité d'accélérer la digitalisation des canaux de distribution des produits et services, ainsi que l'importance des partenariats. Si cela est simple à énoncer, la diversité des acteurs et de leurs stratégies de digitalisation soulèvent de nombreux défis, de même que les prérequis au niveau des institutions pour assurer le succès de la digitalisation et la maîtrise des risques qui en découlent.

La SAM (Semaine Africaine de la microfinance), qui s’est déroulée en octobre 2021 à Kigali (Rwanda), a été une occasion unique de faire le point sur les leçons apprises et les défis de cette digitalisation comme facteur de résilience pour le secteur de la finance inclusive et ses clients.

Lors de cet événement, j’ai eu le plaisir de modérer la session « les innovations digitales pour la résilience des institutions de la finance inclusive et des clients en Afrique : acteurs, stratégies, collaborations et défis ». En compagnie d’Olivier Mugabonake (directeur général d'ADFinance et président de l’association des Fintech du Rwanda Fintech),  de Jean-Louis Perrier (responsable du programme Africa Cybersecurity Resource Center for Financial Inclusion (ACRC) et co-fondateur de Suricate Solutions), et d’Ivan Ssettimba (Chef du Bureau Régional Afrique de l’Alliance pour l'Inclusion Financière), nous avons échangé autour des défis propres aux institutions, des principaux goulots d'étranglement réglementaires et politiques qui constituent des obstacles à l'adoption de solutions numériques par les segments de la population à faible revenu, ainsi que de la montée des problèmes de fraude et de cybersécurité.

Des riches discussions avec les panélistes et des échanges avec l’audience, je voudrai partager trois éléments clés.

  1. L’adoption de canaux digitaux par les IMF est vitale

Un consensus s’est dégagé lors de notre panel pour souligner que la digitalisation n'est pas un luxe ou une option pour les IMF, mais plutôt une nécessité vitale face à la concurrence de nouveaux acteurs. Dans le même temps, celles-ci doivent préserver leur rôle et leur objectif de contribuer à la réduction de la pauvreté des personnes à faible revenu.  De plus, tout en adoptant des outils et canaux numériques pour délivrer leurs produits et services, les IMF doivent continuer à offrir des crédits productifs dans tous les secteurs d’activités, y compris dans l’agriculture. Elles doivent éviter de s’aligner sur l’offre des Fintech et des opérateurs de téléphonie mobile, qui offrent plutôt des crédits de consommation ne pouvant répondre à l’ensemble des besoins de la clientèle.

Cette évolution des IMF vers le digital nécessite des ressources financières pour les investissements dans la technologie, et aussi humaines afin de définir la stratégie, d’identifier et de nouer des partenariats dans une perspective de viabilité à long terme des offres digitales et d’adoption par la clientèle. Le soutien des bailleurs de fonds sera essentiel pour renforcer les ressources et les capacités des IMF afin de mener à bien cette évolution, en particulier pour les institutions de taille réduite qui ne bénéficient pas du soutien d’un groupe international.

Cette évolution des IMF vers le digital nécessite des ressources financières pour les investissements dans la technologie, et aussi humaines afin de définir la stratégie, d’identifier et de nouer des partenariats dans une perspective de viabilité à long terme des offres digitales et d’adoption par la clientèle.

  1. Les cadres réglementaire et juridique doivent être adaptés pour faciliter la digitalisation

De nombreux pays ou régions ont introduit des mesures temporaires d'assouplissement des exigences d’identification des clients pendant la pandémie afin de faciliter l’ouverture de comptes, en particulier de mobile money, et ainsi permettre des transactions à distance au moment où les guichets physiques étaient fermés et que la distanciation physique était requise. Cela a été par exemple le cas dans l’Union Economique et Monétaire de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA) dès avril 2020. Il serait intéressant d’évaluer l’impact de ces mesures et de les adapter à long terme afin de permettre une plus grande adoption des services financiers numériques par les personnes à faible revenu qui, dans de nombreux cas, ne disposent pas de la documentation requise pour ouvrir un compte.

Ce type d’approche basée sur les risques, avec des plafonds de solde et d’opérations bien définis adaptés aux besoins des clients des IMF présentant peu de risques de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme dans le respect des règles du GAFI (Groupe d’Action Financière – FATF), pourrait aussi être envisagé pour les IMF. De telles dispositions favoriseraient l’inclusion financière des populations les plus vulnérables, qui bénéficieraient ainsi de services financiers adaptés afin de renforcer leur résilience face aux chocs comme celui de cette pandémie.

Un autre aspect souligné lors du panel porte sur la libéralisation de l’accès au canal USSD, utilisé pour l’envoi des SMS, afin de favoriser l’offre de services financiers accessibles sur des téléphones basiques développée par divers acteurs, notamment les Fintech. Cette libéralisation doit également s’accompagner d’une politique de prix abordable qui nécessite souvent un encadrement de la part du régulateur, comme par exemple au Togo où le régulateur des télécommunications a fixé un prix très bas de la session USSD (3 FCFA, soit 0.005 USD).

  1. La digitalisation doit s’accompagner de la cyber-résilience afin de maîtriser les risques

La pandémie a poussé de nombreuses institutions de finance inclusive à adopter des solutions digitales avec une préparation limitée, notamment sur la cybersécurité. Le nombre d'incidents a augmenté dans le monde, bien qu’on dispose d’informations limitées pour les quantifier avec précision en Afrique. Si les nouveaux services financiers et canaux numériques disponibles ont en effet contribué à la résilience des populations et des institutions, plus de risques ont été pris par les institutions, ce qui a créé plus d’opportunités pour les hackers. Or ces risques peuvent également s’appliquer aux clients. Il apparaît donc impératif que la cyber-résilience soit améliorée de toute urgence.

Les ressources humaines et financières dédiées à la cybersécurité sont souvent limitées. Pour y faire face, il est nécessaire de collaborer au niveau du secteur en partageant informations et bonnes pratiques en matière de cybersécurité, d’autant plus pour les institutions de taille petite et intermédiaire. De plus, face à une cybercriminalité sans frontières, la réponse doit s’organiser au niveau régional, car de nombreux pays ne disposent pas d'un écosystème de cybersécurité solide. C’est ce qu’offre par exemple le Centre africain de ressources sur la cybersécurité pour l'inclusion financière (ACRC - Africa Cybersecurity Resource Center for Financial Inclusion), qui est un consortium public-privé à but non lucratif financé par le Fonds africain pour l'inclusion financière numérique (ADFI) soutenu par la Banque Africaine de Développement (BAD) afin de favoriser la collaboration de l’ensemble du secteur financier africain, y compris les banques centrales, banques, fintech, IMF, et les acteurs de la micro-assurance.

Face à une cybercriminalité sans frontières, la réponse doit s’organiser au niveau régional, car de nombreux pays ne disposent pas d'un écosystème de cybersécurité solide.

Comme on peut le constater, les défis sont nombreux et nécessitent à la fois des réformes et des ressources. C’est collectivement que toutes les parties prenantes doivent accompagner les institutions de finance inclusive vers la digitalisation, notamment sur des enjeux aussi complexes mais essentiels que la lutte contre la cybercriminalité, pour assurer la résilience de ces institutions et de leurs clients.

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Clève Fortuné MPOUONGUI , APEMF CONGO et MECRECU , Congo Brazzaville
14 avril 2022

Merci pour cet article très intéressant, mais le problème est l'absence des partenaires capables de financer la digitalisation des Emf qui ont déjà des problèmes de trésorerie. Je suis le Secrétaire Chargé à la Communication de l'APEMF CONGO et Directeur général de la MECRECU, dans mes discussions les dirigeants des EMF au CONGO Brazzaville, la volonté y ait mais pas des moyens pour le faire.

MOUTSOMO DASTHEL SAGE , Congo Brazzaville
02 novembre 2022

Monsieur Cléve Fortuné MPOUONGUI, vous avez raison !! La digitalisation des Emf resoudrerait beaucoup de problèmes .

Diallo Souleymane , Green Pay Côte d'Ivoire , Côté d'ivoire
10 avril 2022

Ces trois recommandations mises en application pourront aider à améliorer notre volonté d'inclusion financière. L'enjeu est que nos populations puissent en bénéficier. La digitalisation comme nous voyons, est incontournable, mais nécessite d'être accompagné et encadré pour que la vision ne soit pas dévoyé.

Moïse Mulongo Matola , CAMEC MBANZA-NGUNGU/ COOPEC, République démocratique du Congo
07 avril 2022

Merci beaucoup pour cet article aussi enrichissant, vraisemblablement les IMFs africaines ont besoin de tous les éléments évoqués pour leurs résilience vis à vis des chocs éventuels qui pourraient survenir.

Raymond OROU , Bénin
06 avril 2022

Bonjour, merci pour cet article intéressant. Les trois points évoqués résument l'essentiel pour contribuer à une véritable digitalisation des IMFs et contribuer à assurer la protection des IMFs et de leurs clients.

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