Laura Foschi : "la jeunesse, le digital et le climat représentent nos priorités pour les prochaines années et en particulier pour l’Afrique"
Laura Foschi est directrice exécutive de ADA. Elle est également Senior Investment Manager et responsable de l'ensemble des services d'investissement du Luxembourg Microfinance Development Fund (LMDF). Auparavant, elle a été directrice adjointe chez ADA pendant 3 ans et directrice générale du véhicule d'investissement en microfinance Consorzio Etimos pendant 5 ans. Elle a également coordonné et dispensé des formations et une assistance technique dans le cadre de programmes de microfinance pendant plus de 10 ans en Amérique latine, en Afrique et dans les Balkans.
La Semaine Africaine de la Microfinance (SAM) se tiendra à Ouagadougou, au Burkina Faso, du 21 au 25 octobre 2019, sur le thème "en quête d'impact : la finance inclusive au service des Objectifs de Développement Durable". Organisée tous les deux ans, cette conférence régionale majeure a pour objectif de fédérer les acteurs du secteur de la microfinance et de l'inclusion financière en Afrique. A cette occasion, le portail FinDev a posé quelques questions à Laura Foschi, directrice exécutive d'ADA.
L’édition 2019 de la SAM se concentre sur l’impact de l’inclusion financière. Quelle est la définition de l’inclusion financière pour ADA et comment définiriez-vous l’impact?
Depuis 25 ans, ADA développe des projets pour la promotion de la finance inclusive. Au tout début on parlait de microcrédit, puis nous sommes rapidement passés à la microfinance, justement pour inclure un nombre plus élevé de produits capables de répondre aux besoins des populations plus marginalisées. Aujourd’hui, le concept d’inclusion financière regroupe un ensemble d’initiatives, de techniques, d’approches permettant d’utiliser la finance comme un outil d’inclusion.
Nous considérons l’inclusion financière comme un moyen permettant aux personnes exclues d’avoir plus d’opportunités et de choix pour améliorer leur activité génératrice de revenu, leur qualité de vie et celle de leurs familles.
Pour ADA, l’impact consiste en promouvoir des projets et des initiatives capables de contribuer à des changements durables pour les populations cibles et pour leur environnement. Notre plan stratégique de développement 2018-2021 vise à améliorer notre façon de définir et de mesurer notre contribution au changement. Parmi les effets attendus de nos projets, nous incluons l’amélioration de la qualité de vie des micro et petits entrepreneurs et de leurs familles, la création d’emplois et le développement économique et social des régions concernées.
Afin d’être en mesure d’atteindre les objectifs de ce plan, il a été donc nécessaire d’adopter une approche spécifique de la conception, du suivi et de l’évaluation des projets. La formulation des projets selon la théorie du changement, par exemple l’identification d’indicateur clés de suivi et la mise au centre du client et de ses besoins, ont fortement amélioré notre approche et nos résultats. Cette approche nous permet, ainsi qu’à nos partenaires, non seulement d’observer, de suivre et de mesurer l’impact de nos projets, mais aussi d’assurer les conditions nécessaires pour que cet impact se réalise.
Quelle est l’importance d’un événement régional comme la SAM et quelles sont vos attentes pour l’édition de cette année ?
La SAM en est à sa quatrième édition. Elle s’insère dans le cadre du partage de connaissances, qui est un de piliers de notre approche et de notre contribution au secteur de la finance inclusive.
Après la première édition d’Arusha en Tanzanie en 2013, nous avons réalisé avec nos partenaires organisateurs le besoin d’un espace de discussion et de partage pour suivre l’évolution d’un secteur qui change très rapidement.
La SAM a évolué avec ses acteurs et ses partenaires au fil des années pour devenir l’événement phare de la finance inclusive pour le continent Africain du nord au sud et de l’est à l’ouest.
Pour cette édition, nous avons fait un choix ambitieux, nous nous sommes interrogés sur la contribution que la finance inclusive peut apporter aux Objectifs de Développement Durable (ODD). Les ODD nous concernent tous et il nous reste seulement 11 ans pour les atteindre…
Nous avons ressenti l’urgence de mettre en avant la finance inclusive en Afrique et et de pouvoir discuter des enjeux complexes et difficiles sur lesquels beaucoup d’acteurs s’interrogent au quotidien : quel réel impact produit la finance inclusive pour combattre la pauvreté ? Comment certains services financiers contribuent à améliorer l’éducation ? Quelle finance permet des progrès pour une agriculture durable qui contribue à atteindre un objectif “zéro faim” ?
Beaucoup de questions et beaucoup de discussions. Nous nous attendons donc à des débats riches, à des échanges profonds et à un partage de solutions et pratiques qui puissent nous inspirer pour les années à venir.
La SAM ne propose pas seulement des débats, mais aussi plus de 20 formations et ateliers de grande qualité pour pouvoir répondre aux besoins de professionnalisation d’un secteur en plein changement. Enfin, la SAM est aussi une occasion de rencontrer des partenaires potentiels ou clients lors de la foire aux investisseurs. Nous avons également élargi l’espace des innovateurs en créant un village entier cette année.
L’inclusion financière varie selon les régions et les pays. Quelles sont les priorités régionales d’ADA et pourquoi ?
Pour ADA, les pays les moins développés sont la priorité et la plupart d’entre eux se situent en Afrique. C’est dans ces pays que les besoins sont les plus forts et les plus urgents, et les enjeux les plus complexes. Pour ces raisons, nous concentrons sur le continent africain la majorité de nos efforts en termes d’initiatives, de projets ainsi que de ressources.
La finance inclusive en Afrique varie fortement d’une sous-région à l’autre, avec des zones très innovatrices et d’autres très en retard. Par exemple, en Afrique de l’Ouest, où le défi de la digitalisation est encore à relever, nous intervenons en appui des institutions de microfinance qui se lancent dans une transition digitale pour accroître la portée de leurs actions.
Nous sommes toutefois également attentifs aux besoins exprimés dans d’autres régions où la finance inclusive est plus mature et où les réponses peuvent être différentes. En Amérique centrale ou en Asie du Sud-Est, nous privilégions par exemple des partenariats efficaces avec les réseaux d’institutions, ce qui nous permet un effet levier pour élargir notre rayon d’action.
De votre point de vue, quels sont les éléments clés d’un partenariat nord-sud réussi ?
Depuis 25 ans, ADA base son action sur la capacité de construire des partenariats efficaces où les parties prenantes entament une relation gagnant-gagnant. Chaque région, chaque pays, chaque institution a ses spécificités et ses différentes façons de les exprimer. Le point de départ est toujours un partage des objectifs à atteindre pour lesquels chaque partenaire s’engage selon ses moyens et ses disponibilités. Les conditions essentielles pour le succès d’un partenariat sont sûrement l’implication, la participation, l’engagement et la transparence des partenaires.
Avec les avancées et innovations technologiques, le secteur de la finance inclusive évolue rapidement. Quelles sont les principales orientations stratégiques d’ADA pour les cinq prochaines années?
La finance inclusive est un secteur en pleine mutation. Les innovations, les avancées technologiques représentent pour la finance inclusive une grande opportunité, mais elles peuvent aussi changer radicalement et rapidement le contexte dans lequel beaucoup d’institutions de microfinance travaillent. De nouveaux acteurs arrivent, de nouvelles approches sont proposées et de nouvelles régulations s’instaurent. Dans ce contexte, le rôle d’ADA est d’assurer une innovation durable et partagée, qui met au centre le bénéficiaire final : le client. Nous nous adressons donc aux institutions de microfinance, aux réseaux qui veulent entreprendre cette transition et impacter leur territoires, mais nous appuyons également les nouveaux acteurs comme les incubateurs, les accélérateurs et les fintechs qui peuvent jouer un rôle de plus en plus important pour l’inclusion financière. La jeunesse, le digital et le climat représentent nos priorités pour les prochaines années et en particulier pour l’Afrique.
quelles dispositions prend ADA pour actualiser les formations des techniciens, cadres et managers des institutions de finance inclusive, pour leur permettre de ne pas rater ou prendre avec retard le train de la finance inclusive qui subit très fortement les effets de la digitalisation ? comment ADA associe-t-elle les experts locaux pour renforcer les compétences des acteurs ? étant expert en microfinance et promoteur d'une école de la microfinance depuis une dizaine d'années, je suis fortement intéressé par ce volet de vos interventions d'accompagnement qui ont fait et font encore leurs preuves et qui sont très appréciées.
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