Interview FinDev

Microfinance en Haïti après le séisme : le point de vue de l’ANIMH

Entretien avec Windsor Calixte, directeur exécutif de l’ANIMH
Crédit photo : Ben Depp, CGAP 2009.

Quatre mois après le séisme dévastateur qui a touché Haïti, nous avons interrogé Windsor Calixte, directeur exécutif de l’Association nationale des institutions de microfinance d’Haïti (ANIMH) sur la situation des IMF dans le pays.

Pouvez-vous nous rappeler le rôle de l’ANIMH ?

L'Association Nationale des Institutions de Microfinance d'Haïti (ANIMH) est une association apolitique, non confessionnelle et à but non lucratif. Sa mission est de contribuer au développement du secteur de la microfinance en Haïti et à la professionnalisation des institutions fournissant des services financiers et non financiers aux agents économiques ayant peu ou pas d'accès aux structures financières traditionnelles.

L’ANIMH représente le secteur non coopératif en Haïti [qui n’est pas encadré par une réglementation spécifique à ce jour]. Le secteur coopératif (les caisses d’épargne et de crédit) est contrôlé par la Banque Centrale. Le secteur de la microfinance en Haïti traverse une période difficile depuis le séisme du 12 janvier 2010. Le manque de ressources financières et la montée en flèche des impayés sont plutôt inquiétants.

Globalement, les IMF ont-elles subi des dégâts importants ?

Les dommages sont considérables.
Pour le réseau ANIMH qui regroupe quatorze IMF, on déplore près de 30 décès au niveau des employés et plus de 500 sans-abris sur un total de 1 850 employés environ au niveau du réseau. Les estimations des besoins financiers pour venir en aide à ces employés sont estimées à plus de 1 200 000 dollars (USD). Plus de 30% du portefeuille de crédit est sinistré et près d’un millier de clients sont décédés.

Le programme HIFIVE de l’USAID mis en œuvre par WOCCU a mis en place un fonds (HIFIVE Catalyst Funds) qui permet d’accorder des subventions aux IMF. Quelles sont les autres initiatives de ce type en cours permettant de faire face aux dommages causés par le séisme ?

Effectivement bien avant le séisme, le HIFIVE Catalyst Funds de l’USAID avait initialement un budget d’environ 33 millions USD pour venir en aide au secteur de la microfinance (coopératif et non coopératif) sur une période de trois ans. L’ANIMH en tant qu’organisme de support n’a pas encore bénéficié de ce fonds ; quelques membres de son réseau ont reçu un support de relativement faible montant pour des projets bien spécifiques.

Les aides reçues à ce jour sont-elles suffisantes pour réparer les dégâts matériels, sécuriser les bureaux et agences et acquérir de nouveaux équipements ?

Pas vraiment d’aide substantielle à cette date, donc non, elles sont nettement insuffisantes. Il faut dire que les besoins sont grands. Les dégâts directs causés par le séisme sur le secteur sont estimés à plus de 25 millions de dollars. Jusqu’à ce jour, malgré toutes les promesses faites par les organismes internationaux et les autorités gouvernementales, aucun support direct (sous forme de subvention ou de mise en place d’un fonds de garantie) n’est apporté au secteur de la microfinance qui commence à ressentir très sérieusement les méfaits du séisme du 12 janvier 2010, auxquels s’ajoutent ceux de l’incendie en avril dernier du « marché de la croix-des-bossales », le plus grand centre d’affaires du pays où les IMF financent de nombreux clients.

On imagine que le principal risque réside aujourd’hui dans les impayés dus à la difficile situation des emprunteurs. Comment les IMF peuvent-elles aider leurs emprunteurs à faire face et se prémunir elles-mêmes face à un tel risque ?

Tout d’abord en trouvant de nouveaux capitaux pour les aider à se recapitaliser. Plusieurs initiatives ont été prises en ce sens par les IMF non seulement pour accorder de nouveaux crédits, mais aussi et surtout restructurer les anciens prêts (sur une période relativement longue) accordés avant le séisme.

Quels sont les principaux besoins des IMF aujourd’hui ?

Un besoin urgent en aide financière. Soit sous forme de subvention, de refinancement auprès d’institutions spécialisées à un taux bas et sur le long terme, ou de mise en place d’un fonds de garantie ou de recapitalisation.

Concernant les instances de représentation, dans son communiqué du 3 février, le KNFP indique que toute l’équipe a eu la vie sauve, mais qu’ils sont à la recherche d’un nouveau local. Qu’en est-il aujourd’hui du KNFP et de l’ANIMH ?

Pour l’ANIMH, nous n’avons pas eu de dommages physiques considérables au niveau du Bureau Exécutif. Par contre, il y a eu un mort au niveau du personnel au cours du tremblement de terre. Le KNFP est, il me semble, toujours à la recherche de son nouveau local.

Les IMF semblent jouer un rôle très important dans l’acheminement des transferts d’argent internationaux de la part de parents ou d’amis. Combien sont-elles à être en mesure de proposer ce service ?

Elles ne sont pas nombreuses pour l’instant. Peut-être cinq ou six. Mais il faut souligner que ces IMF ne sont que des agents payeurs des différentes sociétés de transfert en Haïti (CAM, WESTERN-UNION, UNITRANSFER, etc.). Cependant, ces IMF ont été les premières, après le séisme, à fournir ce service aux populations des zones dévastées et des villes de provinces. Elles ont été d’un support considérable dans la livraison de ces transferts d’argent aux gens.

L’ANIMH avait soulevé la question de la création d’un fonds calamité avant cette catastrophe. On imagine que cette question se repose avec beaucoup de force aujourd’hui. Quelle est votre position ?

Oui, l’ANIMH avait discuté de ce sujet avec un représentant de la firme MERIDIES qui travaille sur le « cadre légal du secteur » pour le compte de la Banque Centrale en Haïti (Banque de la République d’Haïti). Avec ce séisme, la nécessité de la mise en place d’un tel fonds est plus que nécessaire. Haïti est un pays à haut risque pour ce qui a trait aux catastrophes naturelles (tremblement de terre, cyclones, inondations, éboulement de terrain, incendie, etc.) dixit les experts. Il faudrait, en accord avec les organismes spécialisés et les bailleurs de fonds, penser à créer une structure pareille, comme c’est le cas dans d’autres pays, pour éviter une décapitalisation des IMF et avoir un outil permettant de répondre rapidement quand le besoin se fait sentir.


Propos recueillis le 5 mai 2010 par le Portail.

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