Interview FinDev

Boulder fête ses 20 ans : portrait d’un institut au service de la formation

Retour sur ses activités autour d’un entretien avec Consuelo Munoz Araya, vice-présidente du développement de l’institut
L’institut Boulder est bien connu pour ses programmes de formations en microfinance qui se tiennent chaque été sur le campus du CIF OIT (Centre International de Formation de l’Organisation Internationale du Travail) à Turin en Italie. Il est devenu un rendez-vous de la formation en microfinance dont le succès ne se dément pas : chaque année environ 300 personnes venues du monde entier se réunissent pour suivre ses programmes à la fois intensifs et interactifs. A l’occasion de ses 20 ans d’existence, le Portail propose un zoom sur les activités de l’institut autour d’un entretien avec la vice-présidente du Développement.
 
L’institut en quelques chiffres
 
Le Boulder est une organisation à but non lucratif dont l’équipe de travail rayonne principalement autour de 3 pays et 5 villes: le siège, la direction administration et finances ainsi que la direction du programme anglophone sont situés respectivement à Boulder, Syracuse et Seattle aux Etats-Unis, la direction du programme hispanophone est gérée depuis Santiago au Chili, enfin la direction du programme français est basée à Marseille en France.
 
Au cours des 20 années d'existence, 4 600 professionnels du secteur venus de 151 pays différents ont participé aux programmes de formation internationaux en anglais, français et espagnol. Parmi les professionnels formés, des cadres supérieurs et intermédiaires d’institutions de microfinance (IMF), des banques, des agences gouvernementales ainsi que des organisations non gouvernementales. L’institut a formé 1 332 personnes dans 43 des 48 pays les moins développés (LDC selon la classification des Nations-unies). Ce chiffre représente 31% de tous les participants ayant reçu une formation.
 
En marge des programmes de formation, l’institut est une plateforme d’échanges et de réflexions critiques sur le secteur qui regroupe des praticiens, des professeurs et des organismes de soutien. A ce titre, il organise des événements pour débattre des évolutions et défis de l’inclusion financière, comme la conférence tenue en 2013 au Mexique sur la gouvernance des IMF.
 
Entretien avec Consuelo Muñoz Araya, vice-présidente du développement de l’institut
 
Rôle et objectifs du Boulder
 
1- La formation des praticiens de la microfinance est primordiale pour assurer le développement durable du secteur. Selon vous, à quel(s) moment(s) de son cycle de vie une institution de microfinance (IMF) a-t-elle le plus besoin de former son personnel ? 
CMA : Nous pensons que la formation doit être continue et non pas utilisée uniquement comme réponse à une crise externe. C'est une décision stratégique que l'IMF doit prendre pour connaître et diffuser les pratiques de développement interne les plus récentes à ses employés ainsi qu’aux membres de son conseil d'administration.
 
2- L’institut Boulder a-t-il un rôle à jouer dans la définition et la diffusion des bonnes pratiques ? 
CMA : Tout à fait, nous encourageons les meilleures pratiques dans nos programmes de formation. Pour atteindre cet objectif, nous mettons un ensemble de documents, d’études de cas et d’analyses critiques d’expériences à la disposition des participants. Par ailleurs, la plupart de nos professeurs sont des spécialistes du secteur de la microfinance avec une riche expérience du terrain ayant la capacité de disséminer les meilleures pratiques dans leurs domaines d’intervention.
 
3- De la même façon, joue-t-il un rôle dans la production et le renforcement des politiques et des stratégies d’innovation des IMF?
CMA : Nous portons une attention particulière aux pratiques innovantes dans le programme MFT, notamment lors de la MasterClass quotidienne. Il s’agit d’une série de tables rondes dynamiques qui couvrent des thèmes innovants du secteur, animées par le Président de l'Institut, Robert Christen, et auxquelles participent une vingtaine d’experts en microfinance. Des spécialistes sont invités à présenter des études de cas issues du terrain pour ensuite les analyser en groupe avec les participants. Ce moment privilégie échanges et questions sur la pertinence de mettre en place des pratiques innovantes au sein des institutions. Nous souhaitons centrer les réflexions sur les moyens dont disposent les praticiens pour qu’une fois formés ils rentrent chez eux avec de nouvelles perspectives, des outils à intégrer et à développer au sein de leurs propres organisations.
 
4- Vos formations ont un coût parfois difficile à supporter pour des praticiens désireux de renforcer leurs capacités. Existe-t-il des bourses de scolarité offrant la possibilité d’y participer ? 
CMA : Il existe des bourses qui permettent de suivre les programmes MFT en français et en anglais. Elles sont proposées par plusieurs organisations parmi lesquelles le CGAP, l’Union Européenne (Programme UE-ACP pour les décideurs politiques dans les pays d’Afrique, Caraïbes et Pacifique), et la fondation MasterCard (qui se concentre sur les Pays les Moins Avancés). En ce qui concerne le Programme MFT en espagnol, la Banque Interaméricaine de Développement offre également un certain nombre de bourses. Enfin, de nombreux participants parviennent à trouver des sponsors locaux pour financer leur formation.
 
Programme Boulder en français
 
5- A quel moment et dans quel contexte est né le programme Boulder en français ? Une demande émanait-elle des praticiens francophones de la microfinance ?
CMA : Nous avons organisé la première session du programme MFT en français en 2005 après avoir constaté dans les pays francophones la nécessité de construire un réseau de partage d’expériences en microfinance. Le programme MFT en anglais était déjà organisé à l'OIT à Turin. Nous nous sommes associés à l'AFD (Agence Française de Développement) pour construire et développer un programme MFT en français qui s’intègre au programme en anglais avec des cours communs grâce à la traduction simultanée. Il nous a paru aussi important de créer un programme français pour exposer la diversité des points de vue issus de zones géographiques très diverses. En dix ans, le programme en français est passé de vingt à cent participants chaque année.
 
6- En dehors de la langue dans laquelle il est dispensé, quelles sont les spécificités du programme en français? 
CMA : La plupart des participants au programme MFT en français viennent d'Afrique sub-saharienne. C’est, par ailleurs, le seul programme qui compte parmi ses participants 50% de régulateurs et décideurs politiques et 50% de praticiens. Le programme francophone est donc une opportunité d'intégration et d’échanges tout au long des trois semaines de formation.
 
7- Pensez-vous que les IMF situées en Afrique francophone font face à des enjeux et des difficultés spécifiques ?
CMA : Oui, on observe tout d'abord une réalité régionale : les pays les moins développés du monde se situent en Afrique sub-saharienne. La microfinance est à un niveau moins avancé qu'en Asie ou en Amérique latine. Les infrastructures dans chaque pays d’Afrique se développent rapidement ; ceci dit il y a de grands espaces ruraux que les IMF ne sont pas parvenues à atteindre jusqu'à présent. Par ailleurs, de nombreux défis sont liés à la maîtrise de risques spécifiques à la zone Afrique. Ce sont autant de questions abordées dans le programme en français.
 
8- Quels sont les besoins de formations les plus couramment exprimées ?
CMA : Chaque année, nous nous efforçons de proposer un programme qui répond aux mieux aux besoins de la région pour les trois segments des participants: les IMF, les institutions gouvernementales et les organisations de soutien au développement. Un certificat spécialisé est offert pour chacun de ces segments. L’offre de cours associée permet d’acquérir des pratiques spécifiques et des outils en finance eten analyse des risques. Les aspects stratégiques du secteur sont également couverts. 
Cette année, l’accent sera mis sur des thèmes particulièrement proches des préoccupations du secteur de la microfinance en Afrique :la réglementation et la supervision, la finance responsable, la gouvernance, la finance agricole et la micro-assurance. 
Notre équipe composée d’Ignacio Olafa et de Benjamin Julien, responsables de programme situés respectivement au Bénin et en France, sous la supervision de Rosa Moreno, responsable de programme senior basée à Santiago du Chili, et en étroite collaboration avec l'AFD, est en charge d’élaborer la grille de formations et son contenu de manière à répondre au plus près aux besoins des participants francophones.
 
9- Quel profil dressez-vous des participants du programme français? En termes d’origine géographique, du type d’organisations...  
CMA : La plupart de nos participants sont des cadres et des directeurs qui viennent d'institutions publiques et financières de toute l’Afrique francophone (principalement du Sénégal, de Madagascar et de République Démocratique du Congo), d’Haïti et de France. Les membres des ministères gouvernementaux participent également au Boulder MFT.
 
Enseignements et défis à venir
 
10- A l’issue de ces 20 ans, quels enseignements tirez-vous de votre expérience sur les enjeux et les conditions de réussite d’un programme de formation en microfinance ?
CMA : Nous devons en permanence nous adapter aux besoins du secteur, les IMF comme les régulateurs. Chaque année, nous sollicitons les participants pour qu’ils décrivent les grandes problématiques auxquelles leurs institutions et leurs bénéficiaires sont confrontés afin d’adapter au mieux nos discussions et notre offre de cours. Nos formations doivent être en mesure de relever ces défis et d’apporter des solutions concrètes aux problèmes actuels. Les participants doivent repartir avec des clés pour opérer des changements immédiats dans leur organisation. 
Par ailleurs, nous attachons une importance particulières à fournir un environnement qui favorise un dialogue ouvert, stimule la pensée critique, et cultive le partage d’expériences.
 
11- Que souhaiteriez-vous améliorer ou approfondir dans vos programmes de formation?
CMA : Nous mettons tout en œuvre actuellement pour offrir des opportunités d’apprentissage en e-learning aux participants. Nous développons également des formations plus approfondies sur des sujets spécifiques, tels que la gouvernance et le leadership, la microfinance agricole et la micro-assurance.
 
Après 20 ans ininterrompus de formation et plus que 4000 anciens élèves, nous offrirons à notre communauté d'anciens élèves l’opportunité de se retrouver lors de l’évènement « Retour à Boulder » durant lequel auront lieu des discussions axées sur les aspects stratégiques de l'industrie et la nécessité de leadership.

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