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Face à la crise, le secteur de la microfinance en Tunisie fait preuve de résilience

Une femme artisane en Tunisie utilise un métier à tisser.

Selon le rapport annuel 2021 de l’Autorité de contrôle de la Microfinance en Tunisie, le secteur de la microfinance a su faire preuve de résilience face aux différentes vagues de la crise du COVID-19 et à leur impact sur le fonctionnement de certaines activités, comme nous le montrent les différents indicateurs opérationnels, financiers et non financiers. Voici comment le secteur a évolué au cours de cette année exceptionnelle.  

Une bonne reprise de l’activité opérationnelle 

En 2021, le montant total des microfinancements accordés est passé de 1 402 millions TND (432 515 USD) à environ 1 674 millions TND (516 188 USD), soit un taux de croissance de 19,3%, une hausse en majorité portée par les IMF-Société Anonyme.  

Les secteurs du commerce et de l’agriculture ont bénéficié de la majorité des microfinancement accordés durant l’année 2021, respectivement de 34% et de 29%. La part de l’agriculture est assez importante malgré les risques présentés par ce secteur, faisant du secteur de la microfinance un véritable secteur d’impact.  

Les femmes ont bénéficié de 54% des microfinancements accordés, ce qui illustre les efforts menés par les différentes IMF au fil des années pour mettre en place une approche de genre à travers des produits dédiés. 

L’encours de microfinancements accordé par les IMF a augmenté d’environ 9% par rapport à 2020. Il est passé de 1 601 millions TND en 2020 (494  445 USD) à 1 756 millions TND (542  315 USD) en 2021. 83,3% revient aux IMF-SA, dont l’encours des microfinancements accordés s’est accru de 11,7% en 2021, ce qui est dans les normes mondiales de croissance de l’encours de microfinance. Ceci s’explique par l’amélioration nette de la productivité annuelle moyenne et de l’encours moyen des agents de crédit comme le montre le graphique suivant : 

 

Source : Nabil Kesraoui à partir du rapport de l’ACM 2021. 

Le nombre de personnes ayant obtenu pour la première fois de leur vie un financement auprès d’une IMF-SA s’est élevé en 2021 à 60 000 environ contre 47 000 environ en 2020, soit un taux de croissance de 27% malgré le contexte de la crise du COVID-19.  

Ces indicateurs mettent en valeur l’évolution positive de l’activité opérationnelle mais ne donnent aucune idée sur les impacts socio-économiques de la microfinance sur la vie des Tunisiens. Une étude d’impact sera menée dans les prochains mois par l’ACM pour la première fois en Tunisie. 

Des efforts soutenus pour l’amélioration des indicateurs de risque 

Au cours des différentes vagues du COVID-19 en 2021, les IMF-SA ont multiplié les actions de soutien à leurs bénéficiaires sous divers formats, entre rééchelonnement, réaménagement, crédits relais et report des échéances édicté par l’ACM en septembre 2021.  

Par ailleurs, le bailleur de fonds USAID a soutenu la clientèle en s'associant aux IMF Baobab Tunisie et Advans Tunisie pour fournir des financements à plus de 13 000 MPE tunisiennes.  31,5 millions USD en financement ont été mobilisés, dont 3 millions USD sous forme de subvention offerte par le programme Tunisia Job. Les prêts et les subventions ont aidé les micro- et petites entreprises à maintenir environ 17 300 emplois. 

Ces efforts conjugués ont permis de maitriser le PAR 30 des IMF-SA (Portefeuille à Risque 30 jours) à un niveau de 2,87% en fin d’année 2021 (sans intégration des microfinancements radiés), alors qu’il a connu un pic à 5% en août 2021 après la troisième vague du COVID-19.  

Il est à noter que la crise du COVID-19 a entrainé une augmentation du taux des créances radiées de 1,1% en 2019 à 2,25% en 2021, affectant ainsi le coût du risque. 

La performance financière du secteur de la microfinance en Tunisie en 2021 

Le taux d’effectif global du secteur a connu une tendance haussière au cours des 4 dernières années, passant de 29,8% en début 2018 à 32,8% en fin 2021, ce qui représente un coût de sortie très élevé pour une clientèle défavorisée. Ceci est dû principalement à l’augmentation du coût moyen des ressources d’emprunt. 

L’amélioration des indicateurs de production et de la maitrise de la qualité du portefeuille a nettement amélioré le résultat de l’exercice 2021 des IMF-SA, qui s’est élevé à 57 millions TND (17 millions USD) contre 22,9 millions TND (7 millions USD) en 2020. Ceci est dû en partie au fait de différer une partie des revenus de 2020 à 2021 suite aux opérations de report d’échéances massives dictés par la note de l’ACM. 

L’ensemble des indicateurs financiers du secteur de microfinance tunisien en 2021 se sont nettement améliorés par rapport à 2020 et certains sont meilleurs que ceux de la période pré-pandémique : le total des Produits d’exploitation Microfinance (PEM) s’est amélioré de 19,7%, ce qui a impacté positivement d’autres indicateurs financiers en 2021, comme le Yield, le ratio d’Autosuffisance Opérationnelle, et le ratio de Marge Nette. Le graphique ci-dessus met en valeur ces améliorations, ainsi que l’importance significative du coût de refinancement et du coût du risque, illustrant leur effet sur la rentabilité du portefeuille et le taux de marge nette qui pèsent sur les coût des services financiers.

 

Source : Nabil Kesraoui, chiffres tirés du rapport annuel de l’ACM.  

Un potentiel de croissance à exploiter 

Les indicateurs de 2021 démontrent bien la solidité financière et le potentiel de croissance du secteur de la microfinance tunisien, qui continue à attirer les investisseurs (locaux & internationaux) à qui reviennent environ 33% en moyenne de rentabilité du portefeuille en 2021.  Malgré cela, une partie des populations pauvres reste exclue financièrement en raison des difficultés d’apporter des garanties exigées par les IMF ou à cause des taux d’intérêt jugés exorbitants de leur part. 

Il est temps de changer de paradigme au niveau du modèle d’affaires de refinancement par l’innovation d’instruments de mobilisation de ressources attirant les investisseurs d’impact comme les Green/Social/Gender Bonds ou Sukuk vu que la microfinance pourra jouer un levier important dans leurs stratégies ESG (critères Environnementaux, Sociaux et de bonne Gouvernance), étant donné l’impact réalisé par l’industrie de la microfinance sur les aspects genre, finance verte ainsi que l’impact direct dans l’atteinte de nombreux ODD.  

Le refinancement des IMF, le fonds de garantie de la microfinance et la finance digitale constituent les défis de la stratégie nationale de l’inclusion financière qui impacteront positivement la structure des divers coûts des IMF, leur permettant ainsi d’offrir des services financiers avec une tarification responsable à l’égard de la population cible, de renforcer l’inclusion financière auprès des personnes exclues et d'avoir un meilleur impact social. 

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