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La Côte d’Ivoire veut booster les paiements marchands et la contribution des femmes à la relance économique

Femme et son téléphone mobile. Crédit photo : Vystekimages

En ce jour où la Côte d’Ivoire dévoile son nouveau guide d'orientation sectoriel pour stimuler les paiements marchands, il est intéressant de redécouvrir ce pays aux mille couleurs. Mille couleurs de sa nature exubérante transfigurée par la lumière du lever du jour ; mille couleurs des fruits et légumes frais sur les étals des marchés ; mille couleurs des pagnes des commerçantes qui s’attèlent dans leurs transactions.

Voyageons dans le secteur informel. 60 % des activités commerciales y sont tenues par des femmes. Dans un rapport du Ministère de l’Économie et des Finances, on découvre qu’en Côte d’Ivoire, le secteur informel représente 87 % de l’économie. Le Fonds Monétaire International ajoute même que le secteur informel ivoirien pèse entre 30 et 40 % du PIB. En clair, les marchandes ivoiriennes, forces vives de l’informel, sont l’un des principaux moteurs de la prospérité économique du pays.

Une opportunité : comment stimuler davantage l’activité marchande et renforcer la contribution de ces femmes à la relance économique ?

C’est l’une des ambitions de la Stratégie Nationale d’Inclusion Financière lancée en mai 2019 et l’objet, ce jour, de la publication par l’Agence de Promotion de l’Inclusion Financière de Côte d’Ivoire ( APIF-CI) du guide d'orientation pour stimuler les paiements marchands.

Développé avec l’appui de la coalition onusienne Better Than Cash Alliance et UNCDF Policy Accelerator, ce guide d’orientation s’ouvre sur un constat : la gestion de la monnaie est considérée comme une contrainte importante par 90 % des commerçants ivoiriens.

Et si pour ces commerçants, les paiements digitaux offrent des avantages théoriques évidents, leur adoption reste freinée par des problèmes très concrets.

Les marchandes ivoiriennes, forces vives de l’informel, sont l’un des principaux moteurs de la prospérité économique du pays.

L’abandon du cash oui, mais la transition aux paiements digitaux reste entravée

Tout d’abord, les petits marchands n’ont pas toujours la documentation légale pour ouvrir un compte électronique. Les exigences réglementaires dites "Know-Your-Consumer" (KYC) excluent presque la moitié des PME et TPE locales.

S’ajoute à cela les coûts importants d’acquisition, de location et de fonctionnement de certains matériels. C’est surtout le cas pour Terminaux de Paiements Electroniques (TPE).

Plusieurs marchands subissent également des désagréments liés à la connectivité. La validation du paiement peut être longue, ce qui conduit au découragement des clients quand ce n’est pas l’annulation de la transaction.

Enfin, il ne suffit pas d’être payé, encore faut-il pouvoir entrer en possession de son argent sur son compte. En Côte d’Ivoire, le délai de compensation des paiements peut atteindre 3 semaines. Or les petits marchands doivent souvent régler leurs fournisseurs de façon journalière ou hebdomadaire. Ils ne peuvent se permettre d’avoir leur argent bloqué aussi longtemps.

Le dynamisme économique ivoirien est un atout pour relever ces défis. En effet, c’est un hub d’innovation financière.

L’atout ivoirien : être le hub régional d’innovation en paiements digitaux

Le dynamisme économique ivoirien est un atout pour relever ces défis. En effet, c’est un hub d’innovation financière. La Côte d’Ivoire est leader de l’Union Économique et Monétaire (UEMOA) en matière de dynamisme des transactions digitales. C’est aussi le pays de la région avec le taux de paiements marchands digitaux le plus élevé. Enfin, 72 % des initiatives visant à résoudre les enjeux identifiés plus haut sont déjà portées par le secteur privé.

S’appuyant sur un tel dynamisme, l’APIF-CI et Better Than Cash Alliance ont conduit des consultations approfondies pendant un an avec les acteurs clés, en passant par les marchands, les associations, poursuivant par les régulateurs, jusqu’aux fournisseurs des services financiers et fintechs. Les recommandations proposées ont été enrichies des expériences issues d’autres pays comme l’Inde, la Chine, le Nigeria ou le Kenya et s’articulent en quatre piliers :

  1. La dynamisation de la demande pour améliorer la confiance des utilisateurs. Les petits marchands sont de véritables leviers pour améliorer l’inclusion financière.  
  2. La stimulation de l’innovation par le développement de propositions de valeurs spécifiques à chaque catégorie de marchands. En adoptant une approche des clients plus segmentée, par taille ou par genre par exemple, l’expérience que les clients ont des paiements digitaux pourrait être améliorée et renforcée.
  3. L’introduction de plus de flexibilité dans le modèle de tarification. Le modèle économique du paiement marchand pourrait être rendu plus dynamique côté fournisseurs en jouant sur les leviers de plafonnement des commissions.
  4. Le plaidoyer régional pour la mise en place de KYC adaptés aux petits commerçants. L’application par le régulateur de KYC spécifiques aux marchands, en fonction de leurs tailles par exemple, permettrait un traitement plus inclusif de tous les commerçants.

Une numérisation responsable des paiements marchands, s’appuyant par exemple les principes onusiens de digitalisation, permettrait à la Côte d’Ivoire d’améliorer au moins 3 objectifs du développement durable. Nous pensons en particulier à la réduction des inégalités de genre, la relance inclusive de l’économie et l’innovation responsable.

En lançant le guide d’orientation du pays,  le Ministre de l’Économie et des Finances souhaite donner un outil supplémentaire pour faciliter le dynamisme d’un secteur marchand déjà en ébullition.  Cet exemple est un cas d’école pour les autres pays pairs.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le guide "Stimuler la numérisation des paiements marchands : des clients aux fournisseurs".

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