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La crise du COVID-19 met à risque la finance agricole et rurale

Crédit photo : Kirk Mason, concours photo du CGAP 2015.

Portail FinDev est partenaire de la Semaine Européenne de la Microfinance 2020 organisée par e-MFP, qui s'est déroulée du 18 au 20 novembre 2020. Massimo Pera (FAO), l'auteur de cet article, est intervenu lors de la session "l'impact du COVID-19 sur l'agri-finance".

L’épidémie de COVID-19 pose des contraintes de plus en plus sévères sur les revenus ruraux et agricoles. Les restrictions de déplacements à l’échelle nationale et internationale ont considérablement ralenti les influx dans les zones rurales ainsi que leur distribution, affectant des pays au milieu ou au début de la saison des moissons (dès le printemps 2020).

La pandémie a un impact fort sur la sécurité alimentaire et le prix des denrées

La diminution des flux de marchandises a quant à elle gonflé les stocks de denrées périssables entreposées, entraînant des pertes importantes. Cet ensemble de facteurs a eu des répercussions sur la sécurité alimentaire et a contribué à une augmentation de la malnutrition, surtout dans les pays importateurs nets de denrées alimentaires, comme les pays importateurs de riz en Afrique de l’Ouest.

En ce qui concerne la production des biens alimentaires, les produits de base (blé, maïs, soja) ont été moins affectés, car la culture et la récolte de ces produits est essentiellement mécanisée. Au contraire, les produits qui sont récoltés à la main et doivent être stockés, comme les fruits et légumes, ont été affectés plus sévèrement.

De plus, la pandémie a inévitablement eu un impact sur les prix des denrées alimentaires dans le monde. Dans des pays comme les États-Unis, le Canada, l'Allemagne, la France, l'Italie, le Royaume-Uni, la Chine, l'Australie, la hausse des prix a été comprise entre 3 et 4%, tandis que dans les BRIC les prix ont augmenté de 7 à 9%, et certains pays ont fait face à une hausse encore plus importante comme l'Argentine (37,9%), le Myanmar (32%), la Turquie (22%), le Soudan (21%).

Des difficultés aggravées pour le secteur de la finance agricole et rurale

Cette crise globale a des effets inévitables sur le secteur de la finance agricole et rurale. En effet, les petits producteurs sont dépourvus d’outils pour investir. Leurs pertes au niveau des projections des ventes risquent d’entraîner une augmentation des défauts de remboursement, une hausse de la quantité de prêts improductifs détenus par les bailleurs de fonds et donc plus de sensibilité au risque. A terme, cela conduirait à une augmentation des taux d’intérêt sur les prêts agricoles.

Les obstacles auxquels font face les petits exploitants et les PME dans l’accès aux services financiers ne sont pas nouveaux, mais ils sont aggravés par la pandémie.

Les obstacles auxquels font face les petits exploitants et les PME dans l’accès aux services financiers ne sont pas nouveaux, mais ils sont aggravés par la pandémie. Avant la pandémie de COVID-19, la demande globale de services financiers agricoles s’estimait à environ 240 milliards USD , dépassant de loin l’offre disponible évaluée à 70 milliards USD, dont seulement 17 milliards USD ont été fournis par des institutions financières informelles comme des bailleurs et les associations de crédit locaux.

Concernant les IMF, elles disposent de moins de liquidités en raison de la pandémie et s’efforcent de réduire leurs coûts. Leurs outils et processus sont parfois insuffisants pour gérer le manque de performance grandissant de leurs prêts. Plusieurs institutions financières ont démarré la restructuration de leurs prêts en souffrance et leurs prêts ont d’ores et déjà ralenti.

Par ailleurs, dans tous les pays et plus particulièrement dans les pays en développement, les lignes de crédit pour les fournisseurs de services financiers sont limitées, notamment en devises étrangères. La demande internationale pour les cultures de rente a diminué en raison de la récession internationale. C’est particulièrement le cas pour les pays exportateurs de produits de base tels que le café, le cacao et le coton (Éthiopie, Kenya, Nigeria, etc.). Ces pays qui exportent vers l’Europe et les États-Unis devraient enregistrer une baisse de leurs réserves de devises. Cela devrait également entraîner une diminution des importations de produits de première nécessité.

A terme, les mesures de restrictions de déplacement et de distanciation sociale augmenteront les coûts de financement des PME agricoles, et dissuaderont davantage les banques d’accorder des prêts.

Reconstruire un système alimentaire mondial plus durable et inclusif 

Malgré ses impacts sévères sur le secteur, cette pandémie nous donne l’opportunité de reconstruire des systèmes alimentaires mondiaux plus durables et plus inclusifs. En dépit des énormes défis et des conditions particulières auxquelles font face les économies rurales, une réponse rapide à la pandémie de la part des investisseurs et des institutions financières est essentielle. C’est ainsi que nous pourrons également contribuer à la résilience des populations rurales aux crises ainsi qu’aux chocs, et ouvrir les zones rurales à de nouvelles possibilités d’investissement.

En dépit des énormes défis et des conditions particulières auxquelles font face les économies rurales, une réponse rapide à la pandémie de la part des investisseurs et des institutions financières est essentielle.

Parmi ces investissements et interventions, les suivants ressortent particulièrement :

1) Investir dans la digitalisation. Davantage de digitalisation profiterait à tous les acteurs des systèmes agroalimentaires. En effet, cela contribuerait à réduire les pertes de récoltes ainsi que de bétail, à améliorer les rendements, à gérer les risques, à optimiser le stockage des produits, à éviter la détérioration des aliments et à maximiser les profits. L’utilisation de la technologie tout au long de la chaîne de valeur se traduit par des améliorations tangibles de la sécurité alimentaire, ce qui est particulièrement pertinent pour les populations les plus vulnérables.  Par exemple, elle permet de réduire les pertes de production grâce à une meilleure gestion des risques, ou de mieux commercialiser les produits agricoles.

2) Investir dans le stockage, les chaînes de froid et les entrepôts. De tels investissements contribueraient non seulement à réduire les pertes alimentaires, mais permettrait également aux producteurs d’accéder rapidement à des capitaux d’investissement pour la saison à venir en présentant des récépissés d’entrepôt. Le stockage des produits leur permet de prolonger la période pendant laquelle les producteurs peuvent vendre le fruit de leur récolte et attendre que des conditions de marché plus favorables se présentent. Les investissements publics et privés, y compris par le biais de PPP (partenariat public-privé), doivent être orientés vers le stockage de marchandises en entrepôt pour des tiers.

3) Promouvoir l’investissement dans les chaînes de valeur courtes et le commerce alimentaire régional. Les restrictions de transport favorisent le commerce local. Les cultures traditionnelles et indigènes constituent de nouvelles opportunités d’investissements rentables. Pour peu qu’on sache saisir cette opportunité, ces cultures pourraient contribuer au développement des systèmes alimentaires locaux et régionaux.

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Ascanio Graziosi , Owner, INNOVATIVE FINANCIAL INCLUSION SOLUTIONS, Italy
18 février 2021

Je partage ce qu'a été proposé et ici nous aimerons ajouter un complement au point 3 pour impliquer davantage les investisseurs Africaines à se risquer davantage fans l'investissement du secteur où ils peuvent avoir un double ROI: économique et d'image, en agissant en tant que Acteurs du développement.
Ascanio Graziosi
Owner, INNOVATIVE FINANCIAL INCLUSION SOLUTIONS

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