Blog FinDev

Tunisie : et si l'inclusion financière passait par les start-up ?

L'exemple de Kaoun, qui associe services financiers et gouvernementaux
Crédit photo : Ahmed Ait Sidi Lahcen pour concours photo CGAP, 2018.

Kaoun a été fondée en janvier 2018, quand ses cofondateurs Nebras Jemel, Anis Kallel et Rostom Bouazizi, alors respectivement étudiants dans les universités américaines de Harvard, Rochester et Columbia, ont mis leurs études entre parenthèses et sont rentrés en Tunisie. Ils ont alors fondé une start-up fintech, Kaoun, qui se veut être un moteur pour l’inclusion financière.

Le premier produit de l’entreprise est Flouci, une application qui permet aux utilisateurs de créer des comptes bancaires facilement à l’aide d’un système de Know Your Customer (KYC) innovant. Le processus d’intégration Flouci peut authentifier la carte d’identité du client et utilise la reconnaissance faciale pour confirmer son identité avant d’accéder au service.

Les porte-monnaie Flouci sont ensuite liés au compte bancaire. L’essentiel des activités financières, comme payer des commerçants ou effectuer des virements nationaux, sont effectués à l’aide d’un numéro de téléphone ou en scannant un QR code. La plateforme permet également aux utilisateurs de créer des signatures électroniques pour signer numériquement des documents officiels et accéder à une gamme de services gouvernementaux.

"Notre objectif est de digitaliser les services financiers et gouvernementaux pour réduire les obstacles à l’adoption, comme le temps d’attente, le coût des transactions et le trajet jusqu’aux succursales des banques et des bureaux gouvernementaux", a déclaré Anis Kallel à Disrupt Africa.

Flouci se veut être un réseau interbancaire totalement interopérable, assurant des transferts instantanés. Il utilise la technologie Ledger pour garantir un service moins onéreux, plus sécurisé et plus fiable.

"Nous voulons également permettre aux non-bancarisés d’établir un historique de crédit et d’accéder à d’autres services financier dans le futur », déclare Anis Kallel".

Le faible taux d’inclusion financière est un problème en Tunisie et dans d’autres marchés émergents du Moyen-Orient et de l’Afrique.

En Tunisie, 64% des adultes sont financièrement exclus ou défavorisés. Une grande partie de cette exclusion est attribuée à la difficulté et au coûts associés à l’ouverture d’un compte bancaire, en raison d’exigences réglementaires strictes.

 

"Cela concerne principalement les habitants des régions les plus rurales du pays, car ils doivent parcourir de plus grandes distances pour se rendre dans l’agence bancaire la plus proche. Par conséquent, les Tunisiens ruraux sont réticents à l’idée de recourir aux banques pour gérer leur argent, ce qui n’encourage pas les banques à ouvrir de nouvelles branches. Nous sommes convaincus que Flouci peut démocratiser l'accès et augmenter la portée de ces services", ajoute Anis Kallel.

Malgré le faible taux d’adoption des outils bancaires traditionnels, la Tunisie affiche un taux de pénétration élevé des smartphones et d’Internet, ce que la start-up exploite actuellement. C’est pourquoi Kaoun a levé des fonds auprès de deux investisseurs providentiels l’année dernière, lui permettant de développer l’infrastructure de produit et de paiement, et a également noué des partenariats clés avec deux banques tunisiennes et l’Agence nationale de certification numérique du pays.

"Notre priorité est d’améliorer l’indice d’inclusion financière de la Tunisie en offrant des services bancaires aux personnes non-bancarisées et en offrant un meilleur accès à ceux qui le sont déjà. Pour changer les choses, nous devions créer des outils d'intégration et réimaginer l'infrastructure existante d'identification des clients et de transfert d'argent", poursuit Anis Kallel.

"Nous travaillons en partenariat avec deux des plus grandes banques tunisiennes pour tester nos nouvelles solutions et les approuver au niveau de la banque centrale, ce qui nous a pris un an. Nous espérons étendre nos services à davantage d’institutions financières en Tunisie dans les mois à venir et commencer nos plans d’expansion".

Flouci est rentable grâce aux banques partenaires, qui paient le service d'identification et l'infrastructure de paiement sur un modèle SaaS (Software-as-a-Service). Les utilisateurs de l’application paient un petit pourcentage pour les transferts P2P et les paiements marchands, ainsi qu'un forfait pour les paiements de factures.

Bien que Kaoun ait obtenu le label Start-up dans le cadre du "Start-up Act" tunisien, qui donne aux entreprises à fort potentiel de croissance accès aux avantages offerts par le gouvernement, Anis Kallel a déclaré que l’un des défis majeurs était le cadre réglementaire complexe du pays.

"Notre architecture technique et l’implantation de nos produits ont été spécialement mis en place pour être conformes à la réglementation en vigueur, mais nous devions collaborer avec différentes parties prenantes telles que l'Agence nationale de certification numérique, les banques commerciales et la Banque centrale de Tunisie pour approuver notre approche innovante en matière d'identification des clients et de transferts d'argent".

"Ce processus peut prendre beaucoup de temps dans la vie d’une start-up en phase de démarrage, mais notre motivation est d’influencer l’écosystème fintech et de préparer le terrain pour que les futures start-up puissent travailler plus facilement. À l'avenir, le principal défi sera de susciter un changement de comportement dans la façon dont les gens accèdent à divers services financiers et gouvernementaux, et d'atteindre les clients qui étaient traditionnellement exclus ou défavorisés".

Écrire un commentaire

Les commentaires sur cette page sont modérés par les éditeurs du Portail FinDev. Nous validons les commentaires qui apportent des perspectives et des idées pertinentes pour cet article. Pour en savoir plus.