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Les Fintech peuvent-elles favoriser l’inclusion financière dans les pays en développement ?

Vendeurs d'ananas au Myanmar. Photo de Aleithia Low. Concours photos du CGAP 2016.

Les technologies financières (Fintech) remodèlent le secteur des services financiers avec un degré et une rapidité d’innovation tout simplement fascinants.

En mars dernier, j’ai assisté avec plusieurs collègues à la 5e conférence annuelle LendIt USA (anglais). C’est l’occasion pour nous de connaître les dernières innovations et réflexions dans ce domaine et d’examiner comment nous pouvons transposer ces évolutions dans notre travail.

Que ce soit pour en définir les contours ou pour en tirer parti, ces nouvelles avancées suscitent un intérêt grandissant. LendIt est désormais présenté comme le rendez-vous le plus important au monde en matière de technologies financières. Lors de sa création, il y a quatre ans, les organisateurs avaient accueilli près de 200 participants. Cette année, plus de 5 000 personnes avaient fait le déplacement.

Nous travaillons sur divers aspects de l’inclusion financière et, dans ce contexte, nous nous intéressons tout particulièrement aux nouvelles solutions qui peuvent élargir l’accès aux services financiers au profit des populations et des entreprises difficiles à atteindre dans les pays en développement.

À l’issue de cette conférence, nous avons mesuré l’ampleur des changements à venir et la vitesse à laquelle ils pourraient se produire — parfois même, ils ont déjà eu lieu. Certaines innovations aideront les pays en développement à entrer d’emblée dans cette nouvelle ère technologique, sans devoir passer par des phases intermédiaires. Ces progrès pourraient avoir un impact fort et des retombées très positives sur l’inclusion financière, et révolutionner la nature des infrastructures financières.

Cependant, ces opportunités font apparaître des risques. Je pense en particulier aux pratiques de prêt inéquitables découlant d’une exploitation et d’une analyse non encadrées des mégadonnées (les big data) ou encore aux vulnérabilités systémiques accrues du fait des menaces qui pèsent sur la cybersécurité.

Voici quelques-uns des principaux enseignements que nous tirons de cette conférence dans la perspective de notre mission, à savoir l’élargissement de l’accès aux services financiers aux deux milliards d’adultes qui restent exclus du système financier.

  • Les Fintech, partenaires des banques (et de leurs concurrents). La conférence a mis l’accent sur la possibilité de nouer des partenariats avec les banques afin de faire progresser l’industrie de la finance en ligne. Pour la première fois dans l’histoire de LendIt, tous les principaux établissements bancaires américains étaient présents à la conférence, dans le but de mieux cerner ce nouveau segment et comprendre comment y faire face ou l’exploiter. Certains intervenants ont souligné les difficultés qu’auront les institutions financières classiques à adopter des modèles commerciaux radicalement nouveaux, se caractérisant par des coûts fixes moins élevés et une plus grande dépendance à la technologie.
  • Le boom des données. Les données sont la pierre d’angle des Fintech ; leur quantité, leur accessibilité et la possibilité de les analyser et de les exploiter rapidement évoluent plus vite que la capacité des modèles établis à s’adapter. Les institutions classiques spécialisées dans l’évaluation du risque, par exemple, sont déjà déstabilisées, voire dépassées dans certains secteurs par des modèles qui se fondent sur les mégadonnées ou d’autres sources de données, comme celles que les consommateurs communiquent volontiers (au point de transmettre l’intégralité des données de leur smartphone) afin de bénéficier d’un crédit ou d’autres avantages commerciaux.
  • La protection du consommateur. L’analyse des big data, et le plus grand accès aux données sur les paiements et les non-paiements qui en découle, s’accompagne de défis majeurs. Sur ce thème précis, Richard Cordray, du U.S. Consumer Financial Protection Bureau (a), a appelé les parties concernées à fournir des éléments d’appréciation et des témoignages qui favoriseraient la compréhension des risques et des défis technologiques auxquels sont confrontés les consommateurs lorsqu’ils partagent leurs informations. « Les tenants et les aboutissants de ce modèle commercial doivent essentiellement reposer sur la protection du consommateur et une exigence de conformité », a signalé Richard Corbray.
  • Le souci du client. Certains nouveaux modèles économiques reposent sur la volonté d’agir dans l’intérêt du client, à l’instar de la plateforme d’investissement en ligne Betterment (a). Cet acteur exige un forfait payable d’avance en échange de conseils impartiaux sur des stratégies et des options d’investissement, de revenu et de gestion de patrimoine. L’objectif est d’accroître la confiance dans les opérateurs de services financiers, en jouant sur la transparence d’un modèle incitatif compatible, afin d’optimiser les gains du client et non les leurs.
  • Des crédits incorporés dans les transactions. « Les clients n’aiment pas se rendre dans une agence bancaire pour y discuter de leur situation financière », a insisté Scott Sanborn, PDG de l’organisme de crédit en ligne Lending Club (a). Si de tels propos ne sont pas totalement inattendus de sa part, qui disconviendrait de leur bien-fondé ? La tendance est à l’incorporation « en douceur » du crédit dans une transaction, une fois le mécanisme de paiement validé — à l’instar du mode de paiement chez Uber, qui est établi de manière définitive sans être revu par la suite. Si un tel dispositif se concrétisait, il pourrait écorner la protection des consommateurs, étant donné qu’ils sont moins informés des coûts liés au financement ou qu’ils pourraient s’endetter plus lourdement, en raison de l’extension automatique d’une ligne de crédit.
  • Une interface vocale plutôt qu’écrite. La tendance est à la simplification des interfaces et aux solutions technologiques qui privilégient la voix pour les transactions et activités commerciales, à l’instar du conseiller financier virtuel Watson présenté par IBM. Ce n’est qu’un prototype, mais cette solution n’en demeure pas moins très intéressante pour les populations illettrées, par exemple.
  • L’importance des cadres juridiques et réglementaires. Un certain nombre d’organismes de régulation, principalement américains, ont assisté à la conférence — les organisateurs prévoient la tenue prochaine de conférences Lendit à Shanghai et en Europe, où seront invitées les instances réglementaires compétentes. Le secteur est parfaitement conscient de l’importance d’établir un cadre juridique et réglementaire, afin de disposer de normes exigeantes, d’éviter les fraudes à grande échelle, qui saperaient la confiance des investisseurs et des consommateurs, et d’établir un code de conduite pour pouvoir prendre des décisions éclairées dans la conduite des affaires. Ces organismes ont fait part de leur intérêt pour des modèles commerciaux moins onéreux et plus efficients, et pour l’accroissement d’une concurrence saine dans le secteur des services financiers.
  • De nombreux modèles économiques inédits. Je retiens notamment l’exemple de la société PayJoy (a), qui propose une solution de financement pour l’acquisition d’un smartphone à l’intention des consommateurs pauvres qui n’y auraient pas accès autrement en transformant le téléphone en garantie de prêt. Je pense également à l’accès à l’information sur les antécédents d’un emprunteur par delà les frontières, qui pourrait devenir réalité grâce à la récente start-up NOVA, qui a été distinguée par Pitchit@Lendit.

Les Fintech affectent-elles les relations que vous entretenez avec vos clients (publics ou privés) en matière de développement du secteur financier dans les marchés émergents ?

Vos témoignages nous intéressent : comment abordez-vous ces nouveaux enjeux ? Comment faites-vous pour articuler ces innovations avec les problématiques de stabilité et protection du consommateur, par exemple ?

Parmi mes collègues de la Banque mondiale qui ont assisté à cette conférence figuraient Marianna Camino, Nancy Chen, Bartol Letica, Rekha Reddy, Alban Pruthi, Sam Raymond et Ran Tao.

Cet article a été initialement publié sur le site de la Banque mondiale en mai 2017.

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