Du «Bosasele» à une coopérative d’épargne et de crédit
La pratique du "Bosasele" consiste à acheter à crédit, auprès de commerçants ambulants, des biens considérés "de luxe" (matelas, ustensiles de cuisine, vêtements, etc.) La période de crédit couvre de 3 à 4 mois, le temps d’une saison culturale. Une des conséquences négatives engendrées par cette pratique découle du fait que les commerçants, devenus créanciers, reviennent souvent se faire payer plusieurs mois plus tard, ce qui entraîne des taux d’intérêt bien plus élevés que ceux convenus.
Lutter contre le "Bosasele"
Les quarante femmes du Club d’écoute Basi Liboso - "Femmes en avant pour votre développement" en lingala - se sont engagées dans la lutte contre cette pratique qui les maintient dans un état de dépendance économique. Le Club Basi Liboso, entièrement féminin, est né en 2012 dans le cadre du Projet "Clubs d’écoute, lutte contre la pauvreté, genre et sécurité alimentaire", exécuté par la FAO sous un financement du FIDA. Dès sa création, les femmes membres ont choisi de se rencontrer chaque dimanche et ont décidé que chacune d’elles cotiserait à hauteur de 500 Francs congolais (0,50 USD) pour créer un fonds commun. En mettant en place ce système de tontine, celles qui avaient encore des dettes à apurer ont pu les rembourser, et toutes les femmes membres du Club Basi Liboso ont pu aussi acheter des biens matériels de base sans se soucier des remboursements à des taux élevés.
Moins d’un an après la mise en oeuvre de cette nouvelle stratégie, il a été décidé de créer une structure permanente pour octroyer des crédits à toutes les personnes qui le demanderaient. La Coopérative d’épargne et de crédit de Yanonge (COOPECYA) était née, dans le but spécifique de contribuer à l’autonomisation des populations rurales.
Un nouvel élan entrepreneurial
Cinq organisations de Producteurs Agricoles (OPA), sept Clubs Dimitra, quatre associations communautaires à la base (ONG) et l’UOPA Yanonge ont été les premiers à souscrire. Le montant apporté par chacun des membres de la coopérative étant de minimum 300 USD, la coopérative a démarré avec un capital de 8.000 USD. A partir de là, plusieurs séances de sensibilisation ont eu lieu, notamment pour informer la population de cette nouvelle structure. Elle compte à présent 91 membres dont 20 personnes morales (OPA et clubs) et 71 personnes physiques (29 femmes pour 42 hommes).
Dès février 2014, les premiers prêts ont été octroyés et cinq membres ont pu en bénéficier. Les membres de la Coopérative se réunissent chaque 13 du mois afin de déterminer sur la base de plusieurs critères les personnes ayant droit au crédit, de récolter les remboursements et d’évaluer l’état d’avancement de la coopérative. Les critères sont simples : il suffit d’être membre de la coopérative depuis au moins un mois ; le compte qui sert de garantie doit correspondre à 10% du montant sollicité en prêt ; la personne (physique ou morale) doit signer un document d’engagement sur l’honneur ; le remboursement du prêt se fait après deux mois à un taux de 97%, faute de quoi il faut payer des pénalités.
Jean-Pierre, gérant et responsable financier de la Coopération reconnaît l’importance de l’initiative de la tontine créée par le Club d’écoute et le fait que l’Union s’est inspirée et appropriée de cette initiative après en avoir évalué le sérieux et le succès. Aujourd’hui, c’est avec fierté qu’il annonce que la Coopérative a 75 membres (29% sont aussi membres des Organisations de producteurs agricoles).
Des effets socioéconomiques généralisés
La dynamique des clubs d’écoute dans le Bassin de production Est du territoire d’Isangi a véritablement permis aux populations de secouer le joug de la pratique du «Bosasele » et d’entamer un processus de développement basé sur des décisions partagées et l’action collective. Preuve en est aussi le fait que la pré- sence des Clubs Dimitra est à la base d’autres actions de développement à Yanonge, notamment l’urbanisation de la cité, la construction d’un marché à 5 km, dans un village qui porte le nom de Romain, ainsi que l’organisation d’un Foyer social, avec l’appui des religieuses de la Congrégation des Filles de la Sagesse.