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Deux études sur la qualité de la gouvernance des IMF

L’amélioration de la gouvernance de la microfinance est un enjeu majeur
D’après l’enquête Banana Skins de 2011, les professionnels de la microfinance placent la gouvernance en quatrième position du classement des risques perçus. Les crises subies par le secteur sur un certain nombre de marchés n’y sont sans doute pas pour rien, puisque l’analyse de ces problèmes révèle qu’ils étaient dus en grande partie à une gouvernance déficiente. « La structure de gouvernance des institutions a été le principal facteur de différenciation entre les entités qui ont surmonté la crise et celles qui n’y sont pas parvenues », conclut une des études consacrées à la question (Marulanda 2010).
 
Il y a donc un enjeu essentiel à définir et mettre en œuvre de bonnes pratiques en matière de gouvernance des IMF. Pour cela, un aspect important consiste à comprendre la relation entre gouvernance et performances de l’institution. Si quelques initiatives ont entrepris de collecter et d’analyser des données sur la gouvernance, il n’existe pas encore de base suffisamment large pour permettre une analyse détaillée dans ce sens.
 
Récemment, deux études ont été menées pour évaluer la qualité de la gouvernance dans le secteur de la microfinance. L’une d’elle a tenté de mesurer les relations entre gouvernance et performance. Si aucune corrélation significative n’a pu être démontrée pour le moment, ces études ont le mérite de donner une première image de la gouvernance du secteur, de constituer des données préliminaires de référence et d’ouvrir la voie aux études suivantes. Elles donnent aussi une impulsion pour l’intégration dans le reporting courant des IMF d’indicateurs mesurant l’implication du CA dans la gestion des performances sociales.
 
Le MIX teste un premier ensemble d’indicateurs sur la gouvernance
Pour améliorer sa connaissance de l’état actuel de la gouvernance dans le secteur, le Forum mondial de la microfinance de Genève a créé un groupe de travail sur la gouvernance institutionnelle pour identifier un ensemble d’indicateurs. Dix indicateurs ont ainsi été définis et inclus dans une étude pilote menée par le MIX fin 2011. 
 
L’objectif principal était d’obtenir une première image de « l’état de la gouvernance » de la microfinance, essentiellement par le biais de questions sur les caractéristiques et l’activité du conseil d’administration (CA).
 
Sur 1000 IMF sollicitées, 162 ont répondu, lesquelles étaient parmi les plus actives en matière de communication de leurs performances au MIX, ce qui peut induire un biais dans l’échantillon. Bien qu’originaires de 57 pays, plus de la moitié des IMF ayant répondu se trouvaient en Amérique latine. En ce qui concerne la taille des institutions, l’échantillon était très diversifié (de 200 clients à 8 millions, taille médiane de 17 000 emprunteurs).
 
Le tableau ci-dessous présente les indicateurs et synthétise les principaux résultats.
 
Indicateurs de gouvernance et principaux résultats
 
Catégorie

Indicateurs

Principaux résultats

Structure et
caractéristiques du CA

  • Nombre de membres du CA

 

3 à 15, médiane : 7. Le nombre augmente avec la taille de l’IMF.

  • Qualifications des membres

 

Qualifications multiples pour la majorité, domaines d’expérience les plus courants : finance/microfinance et gestion d’entreprise.

  • Nombre d'administrateurs indépendants

Les administrateurs indépendants représentent 67% du CA médian.

  • Nombre de comités au sein du CA

La moitié en ont 3 ou plus. 18 n’en ont aucun. Les plus courants sont : exécutif, risque et crédit. Les jeunes IMF en ont plus que les anciennes. Pas de corrélation avec la taille de l’IMF.

Activité et
implication du CA

  • Fréquence des réunions du CA

Plutôt élevée, surtout dans les coopératives (70% >10 fois) et les banques (60%>10 fois). Pas de corrélation avec la taille.

  • Taux de présence des membres

84% des membres assistent aux réunions du CA.

  • Changements apportés aux politiques dans les domaines clés

Activité globalement importante, surtout en matière de contrôle interne, protection des clients, respect réglementaire et sources de financement.

Gestion des risques

  • Séparation des fonctions de président et de directeur général

+ de 80% séparent les 2

  • Représentation des actionnaires dans les comités

La grande majorité ont des actionnaires non représentés dans les comités.

  • Existence de fonctions de gestion du risque et d'audit

58% ont un directeur des risques ou équipe dédiée ; 77% ont un auditeur interne ou équipe dédiée. Les 2 tendent à rendre compte au DG contrairement aux bonnes pratiques reconnues.

 
 
L’analyse n’a pas montré de corrélation significative entre la plupart des indicateurs de gouvernance et la performance financière. Certains indicateurs sont en revanche fortement corrélés entre eux : la diversité des qualifications des membres du CA par exemple tend à être corrélée à l’existence de comités ou au degré d’implication dans les changements de politiques.
 
Quel lien entre gouvernance et performance sociale ?
Cette étude n’a pas considéré le lien spécifique entre gouvernance et performances sociales. Mais le rapport présente le travail réalisé par le MIX et la SPTF (Social Performance Task Force) depuis trois ans pour identifier un ensemble d’indicateurs de suivi des performances sociales à inclure dans le reporting des IMF. Parmi ces indicateurs, deux concernent le lien entre gouvernance et gestion des performances sociales. Le premier détermine si les membres du CA ont été formés à la gestion des performances sociales et le second s’il existe un comité formel au sein du conseil chargé de suivre ces performances.
 
Les données reçues jusqu’ici par le MIX permettent de donner quelques chiffres : sur un échantillon de 405 IMF, 77 % affirment que les questions de performance sociale sont des composantes à part entière de la planification stratégique, mais seulement 21% indiquent avoir au sein du CA un comité chargé de suivre ces questions. Or, là encore, il faut garder à l’esprit que l’échantillon présente un biais positif, puisqu’il se compose d’IMF qui sont suffisamment soucieuses des performances sociales pour prendre le temps de compléter le rapport MIX/SPTF qui y est dédié.
 
Etude CGAP sur l’implication des investisseurs dans la gouvernance
Le CGAP a conduit une auto-évaluation de la gouvernance de la microfinance à partir d’informations recueillies à l’occasion d’une centaine d’entretiens avec des spécialistes du secteur (principalement des institutions financières de développement et des fonds d’investissement en microfinance).
 
Elle révèle une situation mitigée en matière de gouvernance. Les personnes interrogées indiquent que, globalement, on est encore très loin de la situation idéale dans laquelle les conseils d’administration seraient bien informés, orienteraient la stratégie et, au besoin, interpelleraient la direction sans tomber dans la micro-gestion. La microfinance est à la traîne quand il s’agit d’appliquer des méthodes éprouvées et reconnues. 
 
Les principales conclusions de l’étude mettent notamment en évidence les points suivants :
  • les rôles traditionnels de la gouvernance d’entreprise s’appliquent à la gouvernance des IMF, mais s’y ajoutent d’autres préoccupations liées à la vulnérabilité des clients et aux arbitrages entre les résultats financiers et sociaux ;
  • les principales questions controversées au sein des CA sont la croissance, la diversification produit/segment, la protection des clients, la tarification et les profits, la rémunération des dirigeants et les modifications majeures apportées aux structures de financement et de propriété ;
  • les investisseurs en fonds propres n’exploitent pas pleinement la possibilité qu’ils ont de renforcer la gouvernance des IMF ;
  • de nombreuses institutions sont encore dirigées par leurs fondateurs charismatiques qui rechignent souvent à accepter une perte de contrôle qui rééquilibrerait pourtant la gouvernance ;
  • les pratiques des IMF en matière de gouvernance souffrent globalement de faiblesses dans les domaines suivants :
    • clarté de la définition des rôles respectifs de la direction, du conseil et des actionnaires ;
    • politiques en matière de conflits d’intérêts et étendue des informations à communiquer au conseil ;
    • création et utilisation de comités au sein du conseil d’administration ;
    • dimensions spécifiques aux IMF en matière de gouvernance sociale, de gestion des risques et de gestion des ressources humaines.
Toutefois, de nombreuses personnes interrogées notent qu’une sensibilisation accrue, des réformes spécifiques, la croissance des IMF et la réglementation ont entraîné récemment des améliorations. De récentes initiatives en faveur de la finance responsable ont aussi privilégié la gouvernance comme principal moyen d’assurer l’application de bonnes pratiques et l’alignement de la stratégie et des activités des IMF sur leur mission.
 
Beaucoup reste à faire néanmoins. Comme le rappelle la note du CGAP en conclusion, l’investissement basé sur des valeurs morales et éthiques implique une gouvernance active. Ce domaine appelle un renforcement ciblé des capacités et l’amélioration des outils et pratiques. Il est également prêt pour la réalisation d’études visant à montrer quels changements se traduisent par une amélioration effective des services financiers destinés aux pauvres.
 
Ce coup de projecteur a été réalisé à partir de :
 

 

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