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À la recherche de la solution pour aider les entreprises à se développer

Femme tenant un panier à Dakar, Sénégal.

Le secteur du développement a connu son lot de "recettes miracles", autrement dit de solutions prétendument définitives et universelles à des problèmes aussi majeurs qu’épineux qui, bien entendu, ne répondent jamais aux attentes démesurées qu'elles suscitent. Les locuteurs de langue anglaise qualifient ces solutions de "silver bullets" – de balles d’argent. Pour filer la métaphore, je propose plutôt de développer des "balles d'acier".

Une balle d'acier, contrairement à une balle d'argent, n'est pas la solution parfaite, mais une solution suffisamment bonne pour être intéressante. Elle est moins chère et plus facile à produire. Et pour pousser la métaphore encore plus loin, l'acier est un alliage de différents métaux, et l'expérimentation est nécessaire pour obtenir le bon dosage, en fonction de circonstances données. En ce qui concerne l'épineux problème de l'aide à la croissance et au développement des microentreprises, nous venons peut-être de trouver notre "balle d'acier".     

Pourquoi les microentreprises ont-elles besoin d’aide pour se développer ?

Les microentreprises se développent rarement d'elles-mêmes. Nombre d'entre elles restent des entreprises de subsistance, réalisant des marges très faibles, quand elles n’échouent pas à atteindre le seuil de rentabilité. Seul un petit pourcentage de celles qui démarrent sans ou avec un seul employé sera en mesure d’en embaucher plusieurs un jour. Les programmes de formation destinés aux petites entreprises ont tenté de résoudre ce problème, mais la recherche sur ce type de programmes n'a montré qu'un impact modeste sur les ventes ou les bénéfices des microentreprises – une augmentation de 5 à 10 % selon une méta-étude de la Banque mondiale. Pour obtenir des gains plus significatifs, les microentrepreneurs ont clairement besoin de quelque chose de différent.

De quoi les microentrepreneurs ont-ils besoin ?

Quelle est donc cette solution capable d’aider les microentrepreneurs ? Elle s’appuie sur le pouvoir des données et du retour d'information continu.  Mon organisation, L-IFT (Low-Income Financial Transformation), a collaboré avec la Financial Access Initiative de l'Université de New York dans le cadre d'un essai contrôlé randomisé, qui avait pour objectif d’évaluer l'impact sur les microentreprises de la fourniture de rapports d'analyse commerciale basés sur leurs données financières. L'étude, qui sera publiée dans le courant de l'année, a abouti à des résultats très prometteurs qui nous ont aidés à identifier une solution potentielle pour aider les entreprises (de femmes en particulier) à se développer et à augmenter leurs bénéfices.

Les auteurs de l'étude, Emma Riley de l'université du Michigan et Tim Ogden de la Financial Access Initiative de l'université de New York, ont examiné deux interventions différentes sur deux groupes de microentrepreneurs à Kampala, en Ouganda. Les deux groupes d'entreprises ont été invités à tenir des journaux financiers (financial diaries) – une méthodologie de recherche qui s’appuie sur la fourniture par les participants de données détaillées continues sur leurs flux de trésorerie. L’un des deux groupes recevait en retour une analyse basée sur ces journaux : des rapports bimensuels imprimés présentant des indicateurs, relatifs aux ventes et aux dépenses par exemple, à côté de l'objectif chiffré défini par l'entrepreneur pour chaque paramètre.

Les auteurs de l'étude ont constaté des effets positifs significatifs pour le groupe ayant reçu ces rapports, notamment une augmentation des ventes et des bénéfices d'environ 25 %.  Ils ont également constaté :

  • Des améliorations notables dans la tenue des registres et la gestion des stocks ;
  • Une réduction de la probabilité de fermeture de l'entreprise ;   
  • Une plus grande probabilité d'atteindre leurs objectifs commerciaux, ce qui les a amenés à se fixer des objectifs ultérieurs plus élevés, générant ainsi une relation dynamique positive entre la difficulté de l'objectif et sa réalisation.     

L-IFT se réjouit de ces résultats, qui montrent que les rapports d’analyse commerciale sur mesure pourraient être la solution dont nous avons besoin pour aider les entreprises à se développer et à prospérer.

Trouver le bon alliage

Outre le traitement des journaux financiers et la production des rapports commerciaux pour l'étude de Kampala, L-IFT a créé FINBIT, une application Android que nos chercheurs sur le terrain ont utilisée pendant l'étude pour enregistrer les données des entreprises. Cette application peut également être utilisée par les entreprises indépendamment de tout projet de recherche pour consigner ce que nous appelons les "journaux financiers autodéclarés" : comptabilité, suivi de variables telles que les heures travaillées, la rémunération des travailleurs, les nouveaux clients, entre autres. L'application produit également des représentations graphiques des données sous forme de diagrammes à barres, de diagrammes circulaires et de graphiques linéaires qui alimentent les rapports utilisés dans l'étude.     

Cette application nous aide maintenant à trouver le bon alliage pour notre balle d'acier, c’est-à-dire à tester des moyens d'améliorer les rapports générés. Pour cela, nous réalisons des tests auprès des utilisateurs afin de déterminer quels types d'informations et de représentations visuelles sont les plus utiles. Par exemple, les utilisateurs ont demandé :

  • Des rapports montrant les revenus et les dépenses sur le même graphique, plutôt que séparément, pour montrer clairement les tendances des bénéfices ;
  • Davantage d’explications sous chaque graphique pour les aider à interpréter les chiffres ;
  • Des graphiques à barres plutôt que des graphiques linéaires lorsqu’ils ont le choix. 

Par exemple, le diagramme suivant a été créé sur la base des commentaires de nos utilisateurs ; il montre comment les dépenses et les revenus interagissent dans le temps au sein d'un même graphique.   
 

Graphique avec barres.
Figure 1 : Graphique conçu par les utilisateurs de FINBIT combinant les ventes et les dépenses et affichant le bénéfice mois après mois

Nos utilisateurs ont suggéré de fusionner de la même manière les graphiques d’encours d’épargne et de prêts. Pour l'étude de Kampala, l'épargne accumulée et les emprunts en cours étaient présentés séparément. Le graphique combiné leur a permis de comparer directement les montants, ce qui a clarifié le niveau d'endettement. Dans l’illustration ci-dessous (figure 2), il est maintenant clairement visible que le montant des prêts en cours est relativement faible par rapport à l'épargne accumulée.

Graphique à barres.
Figure 2 : Graphique combiné de l'épargne et des prêts, montrant les proportions (conçu par les utilisateurs de FINBIT)

Nous allons continuer à améliorer la visualisation et la présentation des données pour les chefs d'entreprises utilisant FINBIT. Lors des prochaines séries de tests auprès des utilisateurs, nous prévoyons d'étudier comment les préférences diffèrent en fonction de la culture, du sexe et du niveau d'éducation.

Peut-on aller au-delà des données pour fournir des conseils sur mesure aux entreprises ?

L'étude de Kampala a démontré que le simple fait de voir des données sur leur entreprise peut aider les microentrepreneurs à se développer, probablement parce que cela les aide à identifier les améliorations possibles.  Nous souhaitons également étudier si l'impact est plus important lorsque les rapports ne se contentent pas d'afficher des données, mais tirent des conclusions explicites, par exemple en mettant en évidence qu’une entreprise dépense plus que la moyenne pour la location d'un site ou que l'ouverture du magasin le dimanche est déficitaire.

L'application pourrait également fournir des conseils pratiques de portée universelle, comme l'importance de se verser un salaire en bonne et due forme plutôt que de faire des prélèvements dans la caisse de l'entreprise. L'application pourrait utiliser les données des journaux financiers de l'entreprise pour identifier le bon conseil à fournir au bon moment. 

Les rapports produits par l’application pourraient également orienter les entreprises vers des formations et des informations numériques pertinentes pour répondre aux défis et aux faiblesses identifiés à partir des données des journaux financiers de l'entreprise, en les recommandant au moment précis où l'entreprise en a besoin. La possibilité d'accéder à des formations sur mesure plutôt qu'à des programmes de formation standard à la gestion d’entreprise pourrait aider les entrepreneurs à se sentir véritablement entendus.

Une expérimentation continue

Notre intention est de poursuivre nos recherches sur le meilleur alliage possible. En trouvant la composition optimale – c’est-à-dire la meilleure combinaison de données et d’analyses commerciales – nous espérons que toutes les catégories de micro-entrepreneurs seront en mesure de développer leurs activités et leurs bénéfices, d’assurer la bonne santé financière de leur entreprise et, à terme, d'offrir de bons emplois.

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